Leur tour du monde entame son septième mois. En Europe, en Afrique et plus récemment en Asie, ils ont déjà visité plus de 30 pays et rencontré des centaines de personnes. Le périple, qui se poursuivra jusqu’à la fin du mois d’avril, est pour le moins innovant. Au départ, il y a Ismaël, un musulman, Ilan, un juif, Josselin, un agnostique - celui qui croit en Dieu, sans avoir de religion -, Victor un athée - dans le rôle de celui qui réfute l’existence de Dieu -, et Samuel, le « catholique du casting » comme il se présente lui-même. Tous Français, ils ont entre vingt et vingt-huit ans. En 2012, les cinq amis se lancent un projet un peu fou : faire le tour du monde des actions interreligieuses.
Un projet interreligieux
« Une action interreligieuse, c’est lorsque des personnes de confessions différentes s’associent, avec parfois même des non-croyants, pour monter un projet, quel qu’il soit », expliquent les cinq amis depuis le Laos, où ils sont actuellement. « On pense que ces actions, en France, mais plus généralement partout dans le monde, sont un levier essentiel pour davantage de cohésion sociale et on voulait voir ce qu’il existait dans le monde en la matière ».
L'interreligieux n’est pas nouveau pour ces jeunes hommes, et ils y ont déjà beaucoup travaillé en France. « On se connaît tous grâce nos études de sciences-politiques, d’histoire ou de géopolitique, à la Sorbonne. On s’est aussi davantage découvert dans l’association Coexister, qu’a crée l’un de nous, Samuel, quand il avait 16 ans », raconte Victor. Mouvement, puis association parisienne, Coexister se développe dans l’Hexagone depuis cinq ans, ouvrant des sections aux quatre coins de France. « Le but est de réunir des jeunes, croyants ou non, pour bâtir des projets ensemble, faire dialoguer les personnes et prouver qu’on peut coexister », résume Samuel.
En 2012, le bureau de Coexister adhère au projet « Interfaith Tour » (Tour inter-foi) lancé par ses membres. Sparknews, plateforme internet qui répertorie des reportages « mettant en lumière des initiatives innovantes pour la société », s’engage aussi à soutenir le projet et sa médiatisation. Ne reste plus qu’à organiser le tout et à trouver 100 000€. S’ensuivront alors six mois de préparation, de décembre 2012 à mai 2013, pendant lesquelles de nombreux membres de l’association œuvreront ensemble pour trouver des partenaires, logistiques et financiers, pour établir un programme ou pour communiquer avec les médias. « On cherchait aussi cinq personnes prêtes à partir, et on s’est dit " mais pourquoi pas nous ?" », raconte un des garçons en souriant. Une jeune fille devait faire partie de l’équipe, mais elle a dû annuler sa participation, pour des raisons personnelles.
L'interreligieux n’est pas nouveau pour ces jeunes hommes, et ils y ont déjà beaucoup travaillé en France. « On se connaît tous grâce nos études de sciences-politiques, d’histoire ou de géopolitique, à la Sorbonne. On s’est aussi davantage découvert dans l’association Coexister, qu’a crée l’un de nous, Samuel, quand il avait 16 ans », raconte Victor. Mouvement, puis association parisienne, Coexister se développe dans l’Hexagone depuis cinq ans, ouvrant des sections aux quatre coins de France. « Le but est de réunir des jeunes, croyants ou non, pour bâtir des projets ensemble, faire dialoguer les personnes et prouver qu’on peut coexister », résume Samuel.
En 2012, le bureau de Coexister adhère au projet « Interfaith Tour » (Tour inter-foi) lancé par ses membres. Sparknews, plateforme internet qui répertorie des reportages « mettant en lumière des initiatives innovantes pour la société », s’engage aussi à soutenir le projet et sa médiatisation. Ne reste plus qu’à organiser le tout et à trouver 100 000€. S’ensuivront alors six mois de préparation, de décembre 2012 à mai 2013, pendant lesquelles de nombreux membres de l’association œuvreront ensemble pour trouver des partenaires, logistiques et financiers, pour établir un programme ou pour communiquer avec les médias. « On cherchait aussi cinq personnes prêtes à partir, et on s’est dit " mais pourquoi pas nous ?" », raconte un des garçons en souriant. Une jeune fille devait faire partie de l’équipe, mais elle a dû annuler sa participation, pour des raisons personnelles.
Au coeur des conflits religieux
En juillet, « Interfaith Tour » prend enfin le départ. Direction l’Égypte, puis Israël et la Palestine. Là-bas, les jeunes hommes découvrent les difficultés liées au conflit, mais aussi et surtout, les acteurs de la paix. Cette infirmière israélienne par exemple, qui travaille à l'Adassah Hopital de Jérusalem, où on soigne tous les enfants, quelle que soit leur religion. Dans une vidéo, tournée par les garçons, on la voit raconter, très émue, l’histoire d’un jeune musulman, âgé d’à peine dix ans. « Au début, il avait peur lorsqu’il entendait parler Hébreu », explique la jeune femme. « Plus tard, pendant son séjour à l’hôpital, il a pris une feuille et dessiné deux enfants : un Israélien et un Palestinien. Ils s’échangeaient un cœur », poursuit-elle avec émotion.
Les acteurs de la « cohésion sociale », ce sont aussi des villageois, à l'image de ce Palestinien qui a crée un musée de la Shoah. Ou ce village tout entier, composé à 80 % d’habitants musulmans, où on offre la majeure partie des récoltes de raisin aux chrétiens, alors que ceux-ci veillent sur la santé de leurs voisins pendant le ramadan.
Ismaël, Josselin, Samuel, Victor, et Ilan - le juif, qui ne les rejoint que lors de certaines étapes à cause de son travail - ont ensuite visité nombre de pays européens, de l’Espagne à la Grèce en passant par l’Allemagne. « On rencontre des membres d’associations internationales telles que Religion for Peace, mais aussi des personnes impliquées dans des projets locaux au sein de plus petites organisations », explique Victor. A Budapest, ils échangent avec un Chrétien pour qui, au vu de sa religion, il était « fondamental de faire des études juives ». A Bratislava, ville ravagée par les guerres, en partie religieuses, jusqu’à la fin du siècle dernier, ils échangent avec des dentistes de confessions différentes, qui ont décidé de s’associer pour monter un cabinet.
Les acteurs de la « cohésion sociale », ce sont aussi des villageois, à l'image de ce Palestinien qui a crée un musée de la Shoah. Ou ce village tout entier, composé à 80 % d’habitants musulmans, où on offre la majeure partie des récoltes de raisin aux chrétiens, alors que ceux-ci veillent sur la santé de leurs voisins pendant le ramadan.
Ismaël, Josselin, Samuel, Victor, et Ilan - le juif, qui ne les rejoint que lors de certaines étapes à cause de son travail - ont ensuite visité nombre de pays européens, de l’Espagne à la Grèce en passant par l’Allemagne. « On rencontre des membres d’associations internationales telles que Religion for Peace, mais aussi des personnes impliquées dans des projets locaux au sein de plus petites organisations », explique Victor. A Budapest, ils échangent avec un Chrétien pour qui, au vu de sa religion, il était « fondamental de faire des études juives ». A Bratislava, ville ravagée par les guerres, en partie religieuses, jusqu’à la fin du siècle dernier, ils échangent avec des dentistes de confessions différentes, qui ont décidé de s’associer pour monter un cabinet.
Vivre ensemble
Et puis, après un mois en Turquie, les garçons traversent la Méditerranée et rejoignent l’Afrique. Au Burkina ils bavardent avec des familles, fières de montrer leur interreligiosité. Sur l’île de la Réunion, les voyageurs découvrent surpris que la loi prohibant le port des signes religieux n’est pas toujours appliquée, mais que l’île est un « formidable exemple de vivre ensemble ».
Ce vivre ensemble, les garçons veulent profiter de leur tour pour le mettre en avant, par tous les moyens. Alors, depuis le Kenya, en novembre dernier, après l’attaque du centre commercial de Nairobi, Samuel prend la plume pour Le Nouvel Obs.fr. « Certes, les terroristes en question se revendiquent de l’islam (…), mais il faut avoir des lunettes françaises pour voir dans cet attentat un signe supplémentaire du choc des civilisations », estime-t-il. Avant d’évoquer, en guise de preuve, cette prière entre Chrétiens et Musulmans le lendemain de l’attaque.
Une tribune dans la presse qui n’est qu’une des nombreuses actions de communication initiées par les membres d'« Interfaith Tour ». « Accumuler et transmettre des informations est un pilier de notre périple », explique Victor. Lui et ses amis savent tout l’enjeu de la communication médiatique et répondent présents dès qu’un journaliste, en France ou à l’étranger, s’intéresse à eux. « Il s’agit de prouver que ce que l’on fait est crédible, mais aussi de montrer que l’inter religieux est un facteur essentiel pour le vivre ensemble, où que l’on soit », martèlent-ils. « Laurent Fabius commençait d’ailleurs un de ses discours en novembre dernier en expliquant qu’il était impossible de résoudre une crise internationale sans prendre en compte ses aspects religieux », rappelle Victor.
Si les médias s’intéressent à eux aujourd’hui, les jeunes hommes veulent surtout inscrire leur action dans le temps. « Cela commencera par un tour de France pour présenter leur voyage, en mai et juin prochain », explique Chloé Lesterlin, employée en service civique par l’association à Paris. Avec trois autres personnes, la jeune fille est chargée d’organiser le retour des cinq garçons et de suivre les dossiers de financement en cours. « 15 000 jeunes mais aussi le grand public seront sensibilisés aux questions inter,religieuses, dans toutes les régions de l’Hexagone ». Les globe-trotters pourront s’appuyer sur leurs documents accumulés pendant le voyage. « Nous filmons tous nos entretiens avec les acteurs de l'interreligieux que l’on rencontre et on fait aussi remplir des questionnaires à chacun », liste Victor. Tout avait été préparé en amont avec des universitaires, du Kaiciid (le Centre international pour le dialogue interreligieux et culturel) de Vienne (Autriche) et du collège des Bernardins à Paris. Car, au-delà de leur tour de France, les cinq garçons ont d’autres ambitions « On aimerait créer un master de l’interreligieux », confie Victor. Une base de données documentaires pour quiconque s’intéresse au sujet ou une journée de l'interreligieux, tels sont d’autres projets à long terme.
Ce vivre ensemble, les garçons veulent profiter de leur tour pour le mettre en avant, par tous les moyens. Alors, depuis le Kenya, en novembre dernier, après l’attaque du centre commercial de Nairobi, Samuel prend la plume pour Le Nouvel Obs.fr. « Certes, les terroristes en question se revendiquent de l’islam (…), mais il faut avoir des lunettes françaises pour voir dans cet attentat un signe supplémentaire du choc des civilisations », estime-t-il. Avant d’évoquer, en guise de preuve, cette prière entre Chrétiens et Musulmans le lendemain de l’attaque.
Une tribune dans la presse qui n’est qu’une des nombreuses actions de communication initiées par les membres d'« Interfaith Tour ». « Accumuler et transmettre des informations est un pilier de notre périple », explique Victor. Lui et ses amis savent tout l’enjeu de la communication médiatique et répondent présents dès qu’un journaliste, en France ou à l’étranger, s’intéresse à eux. « Il s’agit de prouver que ce que l’on fait est crédible, mais aussi de montrer que l’inter religieux est un facteur essentiel pour le vivre ensemble, où que l’on soit », martèlent-ils. « Laurent Fabius commençait d’ailleurs un de ses discours en novembre dernier en expliquant qu’il était impossible de résoudre une crise internationale sans prendre en compte ses aspects religieux », rappelle Victor.
Si les médias s’intéressent à eux aujourd’hui, les jeunes hommes veulent surtout inscrire leur action dans le temps. « Cela commencera par un tour de France pour présenter leur voyage, en mai et juin prochain », explique Chloé Lesterlin, employée en service civique par l’association à Paris. Avec trois autres personnes, la jeune fille est chargée d’organiser le retour des cinq garçons et de suivre les dossiers de financement en cours. « 15 000 jeunes mais aussi le grand public seront sensibilisés aux questions inter,religieuses, dans toutes les régions de l’Hexagone ». Les globe-trotters pourront s’appuyer sur leurs documents accumulés pendant le voyage. « Nous filmons tous nos entretiens avec les acteurs de l'interreligieux que l’on rencontre et on fait aussi remplir des questionnaires à chacun », liste Victor. Tout avait été préparé en amont avec des universitaires, du Kaiciid (le Centre international pour le dialogue interreligieux et culturel) de Vienne (Autriche) et du collège des Bernardins à Paris. Car, au-delà de leur tour de France, les cinq garçons ont d’autres ambitions « On aimerait créer un master de l’interreligieux », confie Victor. Une base de données documentaires pour quiconque s’intéresse au sujet ou une journée de l'interreligieux, tels sont d’autres projets à long terme.
Des rencontres fortes en émotion
Pour l’heure, les cinq amis sont en Asie. « C’est un continent particulier pour nous, il y a moins d’initiatives interreligieuses qu’en Europe ou en Afrique, et, pour des raisons politiques, on a parfois du mal à rencontrer les croyants, qui préfèrent se cacher. C’était le cas en Chine il y a peu de temps par exemple », retrace Josselin. Une difficulté à laquelle s’ajoute la fatigue, ou parfois, comme ce fut le cas en Afrique notamment, les difficultés à se déplacer. Mais le plus frustrant pour eux reste la rapidité avec laquelle ils bouclent certaines étapes. « Nous avons cinq haltes où nous restons un mois sur place, en Israël/Palestine, en Turquie ou plus tard aux USA. Mais il y a des pays où on ne passe que quelques jours et c’est parfois difficile de comprendre un lieu en si peu de temps », regrette Victor. Lui et ses camarades confient aussi qu’il n’est pas toujours aisé d’enchaîner les rencontres, parfois fortes émotionnellement, sans jamais prendre de pause.
« Chaque rencontre est une surprise. Même s’il y a évidemment des moments plus symboliques que les autres », souligne Ismaël. Les quelques phrases échangées avec le Pape à la fin d’une messe, place Saint Pierre en septembre dernier, font parties de ceux-ci. « Il m’a dit de saluer mes amis musulmans du monde entier », se remémore Ismaël. « Tu n’imagines pas la portée que ses propos ont eu en moi. Cinq mois après j’ai encore du mal à mettre des mots sur ce moment », explique-t-il, visiblement encore très touché. En évoquant leurs moments forts, lui et ses camarades racontent aussi souvent cette entrevue avec un Bosniaque qui, après la visite du camp de Srebrenica (Bosnie-Herzégovine, lieu où 6 à 8000 Bosniaques ont été massacrés, ndlr) leur a dit n’avoir aucune haine contre les Serbes. « Il n’y a pas assez de place dans mon cœur pour à la fois aimer Dieu et haïr les hommes », a-t-il dit.
« Chaque rencontre est une surprise. Même s’il y a évidemment des moments plus symboliques que les autres », souligne Ismaël. Les quelques phrases échangées avec le Pape à la fin d’une messe, place Saint Pierre en septembre dernier, font parties de ceux-ci. « Il m’a dit de saluer mes amis musulmans du monde entier », se remémore Ismaël. « Tu n’imagines pas la portée que ses propos ont eu en moi. Cinq mois après j’ai encore du mal à mettre des mots sur ce moment », explique-t-il, visiblement encore très touché. En évoquant leurs moments forts, lui et ses camarades racontent aussi souvent cette entrevue avec un Bosniaque qui, après la visite du camp de Srebrenica (Bosnie-Herzégovine, lieu où 6 à 8000 Bosniaques ont été massacrés, ndlr) leur a dit n’avoir aucune haine contre les Serbes. « Il n’y a pas assez de place dans mon cœur pour à la fois aimer Dieu et haïr les hommes », a-t-il dit.
Samuel, Ismaël, Ilan, Josselin et Victor ont encore trois mois de voyage avec une quinzaine de pays à découvrir. Ils passeront notamment par l'Australie, le Mexique, les États-Unis ou encore l'Argentique, pays du Pape François. Ce dernier les a remerciés de leur périple lors de leur rencontre au Vatican. « L’interreligieux est une priorité » leur a-t-il dit. Avant d’adresser son amitié aux personnes non croyantes via Victor, l'athée du groupe. Des paroles qui ont renforcé les convictions de ces cinq jeunes, persuadés que même en France où l’agnosticisme dépasse les 25 %, la question de l’interreligieux est « fondamentale pour la cohésion sociale ». En guise de preuve, Ismaël rappelle ces 11,3 % d’actes islamophobes de plus en France, sur les neufs premiers mois de l’année 2013. « Pour moi, qui me suis engagé dans l'association Coexister après l’affaire Merah, c’est une raison supplémentaire pour m’investir et agir toujours plus ».
Ismaël et ses camarades continueront donc leur activité au sein de l'association Coexister à leur retour. Ils comptent aussi évoquer le sujet de l'interreligieux au sein de certains ministères, où ils ont rendez-vous à leur retour en France. Pour l'heure, le voyage continue, avec cette petite phrase de Gandhi en arrière plan : « La seule alternative à la coexistence, c’est la codestruction ».
Ismaël et ses camarades continueront donc leur activité au sein de l'association Coexister à leur retour. Ils comptent aussi évoquer le sujet de l'interreligieux au sein de certains ministères, où ils ont rendez-vous à leur retour en France. Pour l'heure, le voyage continue, avec cette petite phrase de Gandhi en arrière plan : « La seule alternative à la coexistence, c’est la codestruction ».